Il y a des lieux qui me touchent par la beauté du paysage, des architectures qui m’ étourdissent tant elles sont belles et hardies, des cultures qui me fascinent même si je ne les comprends pas. Ce fut le cas pour Pretoria et Joahnnesburg mais pas pour la beauté, pas pour le paysage, pas pour la splendeur mais par leur histoire commune, une histoire cruelle et douloureuse, l’Apartheid.
Les deux plus grandes villes du Transwall restent profondément marquées et, encore aujourd’hui, leurs violences xénophobes sont récurrentes comme à bien des endroits de l’Afrique du sud. L’Apartheid n’existe plus, mais les émigrants africains – 2 millions officiels et de nombreux réfugiés et sans papier – subissent la frustration de la majorité noire du pays toujours privée d’accès à une école de qualité, des salaires décents ou l’emploi. L’A.N.C., elle -même, est accusée d’utiliser des discours xénophobes pour pallier ses erreurs de gouvernance et de corruption.
Majoritairement blanche, Pretoria mise sur le tourisme et se sert de l’image de Nelson Mandela. Pourtant chaque nom de rue raconte les pionniers de la colonisation, les généraux vainqueurs, les hommes d’états afrikaners et le Voottreker Monument, édifié en 1949, est le triste symbole du nationalisme afrikaner : sa frise intérieure, de marbre sculpté, est la plus grande au monde et retrace l’épopée des Voortrekkers. C’est aussi une apologie de l’idée de la domination blanche sur les populations indigènes. En dehors du centre urbain de Pretoria, les townships Mameloti et Atteridgeville – ces zones urbaines pauvres et sous équipées qui étaient réservées aux non-blancs – restent encore d’immenses bidonvilles et les nouveaux lotissements constituent autant de barrières, où chacun s’isole et se protège derrière des murs surmontés de barbelés ou de clôtures électriques.
« Aller à Johannesburg sans visiter le Musée de l’Apartheid est aussi impensable que d’aller à Paris sans aller voir les Champs-Elysées », jugeait la photographe sud-africaine Jodi Bieber.
Ne pas le visiter serait une faute et une véritable erreur. Inauguré en 2001 et salué internationalement, il plonge au cœur de la folie du système de séparation raciale, appliqué en Afrique du Sud de 1948 à 1991.
Dès le guichet d’entrée, sont délivrés des tickets différents selon que l’on soit Blanc ou Noir. On accède au musée proprement dit par deux portes différentes surmontées d’écriteaux » blankes/whites » ou » nie blankes/non whites » (blankes signifie blancs, en afrikaans, la langue des oppresseurs afrikaners). Chacun se dirige vers l’entrée qui correspond à sa couleur de peau, l’ expérience in vivo des humiliations quotidiennes qu’engendrait le dispositif législatif de l’apartheid basé sur le tri des êtres humains.
Au fil de la visite, on découvre une vaste collection de documents sonores ou filmés et les objets d’époque témoins de la brutalité du régime comme un banc public, estampillé » Europeans only « ; ou l’ exemplaire de ces effrayants blindés anti-émeute nommés Casspir qu’utilisait l’armée pour mater les insurgés des townships; ou encore la reconstitution des étroites cellules et d’une salle de pendaison.
Si la plupart des visiteurs sont profondément ébranlés, la jeune génération se désintéresse de l’histoire de leurs parents. Comble de l’ironie, les enfants noirs sont encore plus désinvoltes à l’égard du passé. Se souviennent-ils des écoliers de 1976 qui, à quelques kilomètres de là, à Soweto, avaient eu le courage de se soulever contre le régime qui humiliait leurs parents ?
La Nation arc-en ciel reste encore un mirage, comme son drapeau, où les couleurs ne se mélangent pas.
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